Poèmes

Se téléphoner

par Jean-Michel Bollet

Qu’il est difficile de se voir face à face
Et paraît plus aisé de se téléphoner !
Dans mon livre premier, j’écrirai en préface
Que je suis bien celui qui n’a pas de faux nez.

Je parle au lecteur seul en maniant la lettre
Sans imaginer sa lente course de l’œil
Cherchant à travers mon récit peut-être l’être
Suant, soufflant, souffrant calé dans son fauteuil

Ou léger, agile, fantasque et désinvolte,
Des boucles aux cheveux, quelques bagues aux doigts,
Portant les stigmates du mai de la révolte,
Fumant du tabac fin, buvant comme il se doit !

J’aimerais causer du haut de ma basilique
A mes fans convoqués par la publicité
Mais si j’avais une vraie tête d’alcoolique
Aurais-je encore auprès d’eux un droit de cité ?

Je veux que ma beauté reste toujours secrète
Et j’accepte de me faire téléphoner ;
J’aime vivre reclus en tant qu’anachorète
Mais je jure, je ne porte pas de faux nez.

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