Lorsqu'il faudra aller vers vous, ô mon
Dieu, faites
que ce soit par un jour où la campagne en fête
poudroiera.
Je désire, ainsi que je fis ici-bas,
choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
au
Paradis, où sont en plein jour les étoiles.
Je prendrai mon bâton et sur la grande route
j'irai, et je dirai aux ânes, mes amis :
Je suis
Francis
Jamrnes et je vais au
Paradis,
car il n'y a pas d'enfer au pays du
Bon-Dieu.
Je leur dirai : «
Venez, doux amis du ciel bleu,
pauvres bêtes chéries qui, d'un brusque mouvement d'oreille,
chassez les mouches plates, les coups et les abeilles... »
Que je
Vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j'aime tant parce qu'elles baissent la tête
doucement, et s'arrêtent en joignant leurs petits
d'une façon bien douce et qui vous fait pitié. [pieds
J'arriverai suivi de leurs milliers d'oreilles,
suivi de ceux qui portèrent au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bossues,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l'on met de petits pantalons
à cause des plaies bleues et suintantes que font
les mouches entêtées qui s'y groupent en ronds.
Mon
Dieu, faites qu'avec ces ânes je
Vous vienne.
Faites que, dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
q,ui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l'amour éternel.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012