La blanche marguerite avec le bouton d’or
Tapissent les prés verts au réveil du printemps ;
Déjà, le paysan qui s’inquiète du temps
Veut labourer son champ après ces bouts de mort.
Sont les forsythias jaunes les tout premiers
A venir dans les haies et dans les buissons bruns ;
On rencontre déjà des traînées de parfums
Exhalées des forêts et des fleurs de pommiers.
Ce que je vois de mes yeux et sens de mon nez
Seront peut-être à vous, chers enfants de demain
Qui prendrez des gouttes de tout entre vos mains
D’enfants à naître et que j’aimerais tant voir nés.
J’ai subi les hivers, supporté les étés
Que vous traverserez non sans quelques soucis
En humant les pensées à côté des soucis,
Inoffensives fleurs de gracieusetés.
Les déserts s’étendront jusqu’en Scandinavie,
Les océans captureront les continents ;
Tout le reste, médiocre, ira incontinent
Jusqu’à l’étouffement d’un embryon de vie.
Alors, je me dépêche d’écrire ces vers
Que vous lirez – qui sait - quand je ne serai plus
Ou courbatu ou de rhumatismes perclus,
La peau ridée et sèche et mes yeux de travers.
Nous avons, par hasard, tué des pies rainées
Et quelques ruminants qui tondaient les gazons.
Il nous reste un isard perdu à l’horizon,
Blond, fier et dominant sur les monts Pyrénées.
Le parc automobile est encore immobile
Tout autant dans le neuf que dans l’occasion
Où s’observent de nombreuses transactions
De même que dans la téléphonie mobile.
Ma fille pleure la Cordillère des Andes
En dévorant des blocs de hachis Parmentier
Accompagnés d’un bon jambon de Parme entier
Que l’on a fait fumer au pin rare des Landes.
Je crois que c’est fini pour Johnny Hallyday,
Vous le verrez passer aux actualités ;
Il a, hélas, été longuement alité
Et de son décès, avait jauni à l’idée.
Jean Ferrat s’est éteint la veille d’un scrutin
Après avoir chanté l’amour, la liberté,
Le chemin incertain que l’âme a déserté
Quand le corps veut toujours gras festin, gros butin.
D’autres mourront peut-être à la fin de leur vie
A moins que celle-ci dure éternellement ;
Si une âme le dit, dites-vous : elle ment ;
Car, à mon avis, son raisonnement dévie.
Le Mont Blanc n’est plus blanc, au Ventoux, tout se vend ;
Paris n’a plus d’oiseaux dans la rue Vaugirard,
Les rats de ses égouts le soir font le chambard
Et l’on respire un air dont se moque le vent.
Dodo, les enfants do, nés dans les beaux châteaux,
Après Charles Aznavour, vivrez-vous une crise ?
Au sommet du gâteau on vous met la cerise
Et de la mer vous ne voyez que les bateaux.
Connaîtrez-vous le lait de nos bovidés roux,
Le tordu salsifis, l’amer du pissenlit,
Les édredons épais qui écrasent le lit,
La bille qu’il suffit de pousser dans le trou ?
Vous nous épaterez, j’en mets ma main au feu,
Enfin, pas tout à fait, juste à vingt centimètres.
Peut-être aurez-vous su ou pu chasser vos maîtres
Qui vont ont bassinés : « Demain, ça ira mieux ! »
Vêtez-vous de bise et couvrez-vous du nuage
Puis dépoitraillez-vous : prenez tout le soleil !
Laissez venir les pluies adoucir votre orteil
Quand vous serez pieds nus sur les chemins sans âge.
Contemplez les forêts : elles repousseront !
Eloignez-vous des mers : regardez-les de haut !
Prenez garde à la bosse qu’elle a dans le dos
La montagne altière avec son ventre rond.
Chantez des chants nouveaux, n’allez pas à l’école,
Soufflez dans des pipeaux et sifflez dans vos doigts ;
Apprenez les oiseaux, pas la règle de trois
Qui n’a pas empêché la bataille d’Arcole.
Ah ! Comme il me ravit ce monstrueux propos
Dur à tenir dans le rire et dans le délire ;
J’ai voulu vous écrire afin de vous élire
Présidents d’une jeunesse bien dans sa peau.