Poèmes

On M'éreinte...

par Francis Jammes

Francis Jammes

On m'éreinte dans le
Musée des familles, moi qui chante les anciens magazines et les rires charmants des jeunes filles qui le lisaient à l'ombre des charmilles.

Une d'elles, rêveuse, et ses yeux bleus au ciel, le coude à son genou et la main au menton, songeait à ce cousin :
Eudore des
Courcels, qui montait à cheval parfaitement (disait-on).

Plus d'une fois, dans son pupitre, au
Sacré-Cœur, près des pensées mortes de son jardin mélancolique, elle ouvrait le
Musée, en cachette, pour lire la suite du
Diable au fumoir ( ?) ou de
Fors l'honneur ( ?).

Mais, dans un numéro, à la cinquième page, une illustration représentait un page

qui, dans la langueur des jardins d'Espagne, parlait d'amour à une douce et longue dame.

Et ce page ressemblait à ce cousin.

Et c'est pourquoi la maîtresse générale,
Madame de

Grieul, voyant l'enfant songeuse l'avait en grand soin et lui donnait de la mélisse ou du tilleul.

Puis un jour le roman du
Musée des familles finissait, ainsi qu'un baiser dans un beau soir.
Et puis, un autre jour, la mère de
Camille faisait mander sa chère enfant dans le parloir :

Mon enfant, j'ai une nouvelle heureuse à t'appandr.
Nous serons tous de noce à la fin de l'automne...
Céline m'a appris le mariage d'Eudore... il épouse
Cora... ils vivront à la
Butte-Grande...

...
A propos, ajoutait la mère : ton cousin va s'absenter et a peur que
Cora ne s'ennuie...
Où as-tu laissé ce
Musée des familles qui t'intéressait tant, celui de 45?

Alors l'enfant ne pouvait plus se retenir.
Son sein gonflé d'orage éclatait en sanglots...
Et elle répondait, en hoquetant, ces mots : l'année 45, elle est dans mon pupitre.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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