O pas espars,
O pensées soubdaines
O aspre ardeur,
O mémoire tenante
O cueur debille,
O volunté puissante,
O vous, mes yeulx, non plus yeulx mais fontaines.
O branche, honneur des vainqueurs capitaines,
O seulle enseigne aux poètes duisante,
O doulce erreur qui soubz vie cuisante
Me faict aller cherchant & montz & plaines.
O beau visage ou amour met la bride
Et l'esperon dont il me poinct et guide
Comme il luy plaist, et deffense y est vaine.
O gentilz cueurs & âmes amoureuses
S'il en fut oncq et vous umbres paoureuses,
Arrestez vous pour veoir quelle est ma peine.
Voyant ces mons de veue si loingtaine,
Je les compare à mon long déplaisir :
Hault est leur chef et hault est mon désir,
Leur pied est ferme et ma foy est certaine.
La maint ruysseau coulle et mainte fontaine :
De mes deux yeulx sortent pleurs a loysir :
De grandz souspirs ne me puys dessaysir,
Et des grandz vents leur cime est toute plaine.
Mille troppeaulx prenent là leur pasture :
Amour en moy prend vie et nourriture :
J'ay peu d'effect et assés d'espérance.
Là, sans grand fruict, feulhes ont apparence :
Et d'eulx a moy n'a qu'une différence,
Qu'en ceulx la neige, en moy la flamme dure.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012