Toi,
René, vous,
Paul
Fort, qui chantâtes
Racine
Et le nom émouvant de
La
Ferté-Milon,
Souffrez qu'un vieux poète (aidé par
Mnemosyne) À vos rimes de marbre ajoute un moellon.
Encore un autre, direz-vous, piètre pastiche
Par notre superlicoquentieux truqueur...
Fi, donc ! dans ce pays où tout le monde triche
Je ne veux qu'évoquer quelques vrais chocs au cœur ;
Car, bien que de compréhension guillerette,
Je ne puis plus sentir — écoute,
Mantouan ! —
Les noms stupéfiants d'Ancienne-Lorette,
De
Gaduamgoushout et d'Ashuapmouchouan.
The bulls (Saskatchewan ?) me met les nerfs en boule...
Adieu,
Lacolle,
Hull,
Chaudière-Station !
Je te noierai,
Mémoire, aux eaux de la
Bourboule (Si je ne meurs, avant, à
Castor-Jonction).
Jamais un nom français n'a blessé mes oreilles,
Excité mon humour ni froissé mon esprit ;
Même les plus claquants sont de pures merveilles —
Segonzac,
Izernore et
Castelnaudary !
Et, des plus rudes sons, cette langue bénie
Savait déjà tisser, dans un passé lointain (Carcassonne !...), la brusque et fantasque harmonie
De
Locmariaquer et de
Romorantin.
Syllabes, ce n'est pas votre cadence noble
Ni votre place dans l'Histoire (Toi,
Paris,
Vous,
Vendôme,
Epernon,
Versailles ou
Grenoble)
Qui font trembler ma main lorsque je vous écris...
Non.
C'est l'aérien et féerique vocable,
C'est l'élégance nette et limpide, le mot
Ouvré magiquement et de sens immanquable,
Et qui sent l'églantine et le coquelicot.
Ah ! je donne à qui veut, pour
Brive-la-Gaillarde,
Ispahan et
Venise, et leurs murmures d'eau,
Pour l'azur où s'ébat la grive goguenarde
De
Mantes-la-Jolie * et d'Azay-le-Rideau.
Islam, amour d'hier, et tes minarets roses,
Je préfère à vos noms
Ailly-le-Haut-Clocher,
Les frelons en velours de
Fontenay-aux-Roses,
Alise-Sainte-Reine où fleurit le pêcher ;
Mais me plaît, entre tous ces tendres sortilèges,
La carte bleue où
Dammarie-emmy-ses lys,
En un chaste concert de suaves arpèges,
Partage son parfum avec
Les
Andelys...
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012