Poèmes

Les Spectres

par Charles Marie Rene Leconte de Lisle

Charles Leconte de Lisle

I
Trois spectres familiers hantent mes heures sombres.
Sans relâche, à jamais, perpétuellement,
Du rêve de ma vie ils traversent les ombres.
Je les regarde avec angoisse et tremblement.
Ils se suivent, muets comme il convient aux âmes,
Et mon coeur se contracte et saigne en les nommant.
Ces magnétiques yeux, plus aigus que des lames,
Me blessent fibre à fibre et filtrent dans ma chair ;
La moelle de mes os gèle à leurs mornes flammes.
Sur ces lèvres sans voix éclate un rire amer.
Ils m'entraînent, parmi la ronce et les décombres,
Très loin, par un ciel lourd et terne de l'hiver.
Trois spectres familiers hantent mes heures sombres.
II
Ces spectres ! on dirait en vérité des morts,
Tant leur face est livide et leurs mains sont glacées.
Ils vivent cependant : ce sont mes trois remords.
Que ne puis-je tarir le flot de mes pensées,
Et dans l'abîme noir et vengeur de l'oubli
Noyer le souvenir des ivresses passées !
J'ai brûlé les parfums dont vous m'aviez empli ;
Le flambeau s'est éteint sur l'autel en ruines ;
Tout, fumée et poussière, est bien enseveli.
Rien ne renaîtra plus de tant de fleurs divines,
Car du rosier céleste, hélas ! sans trop d'efforts,
Vous avez bu la sève et tranché les racines.
Ces spectres ! on dirait en vérité des morts !



Poème publié et mis à jour le: 16 November 2012

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