Ils sont aussi gros qu’un doigt dans un poing :
Où se cachent-ils ? On ne les voit point.
La mère qui sent monter une angoisse
Sait que la maison lui porte la poisse.
Déjà, l’an passé, le père est parti
Pour une soirée avec le Parti
Et quand il tomba – saoul – dans la rivière
On le ramena sur une civière.
Sa bouche était bleue, son visage blanc
Et ses mains tremblaient ; c’en était troublant ;
Le médecin dit : sa tête est chenue ;
Le gendarme dit : elle m’est connue ;
Il ne portait ni chapeau, ni béret
Et se moquait bien de son intérêt.
Le noyé mourut à la mauvaise heure ;
Dieu le secourut juste avant qu’il meure.
Il fut enterré on ne sait plus où
Près d’un arbre à gui où venait du houx.
La mère alla voir un matin d’automne
Au cimetière où le mort se cantonne.
Elle découvrit la tombe et creusa
Puis sortit le corps et d’un coup gueusa :
Vieil affreux, salaud, qu’as-tu fait des pièces
Qui mettaient mon cœur et mon oeil en liesse ?
Elle les trouva, cachées dans l’ourlet
De son falzar de serge violet
Et les recela, Gisèle, chez elle
Dans un lieu secret trouvé avec zèle
Et qu’elle oublia : Elles étaient là !
On les a volées ! Elle chancela ;
Des pièces en or, dont l’une est en bronze
Qu’elle avait comptées : il y en avait onze ;
Oh ! les petits sous, ces chers petits sous
Qu’elle cherche ici, dessus et dessous
La chaise et la table… Allo la police,
La gendarmerie, je suis au supplice :
Hier, le père et aujourd’hui, l’argent,
Je me désespère, ah ! monsieur l’agent,
Prenez ce voleur, qu’il ait peur et honte
Sans tenir compte de ce qu’on raconte.
Les petits sous
par Jean-Michel Bollet