Comme un froment tombé du crible,
J’ai semé mon âme à tous vents,
Dans les ronces, les flots mouvants,
Sur les flancs du roc insensible.
Au logis il me faut rentrer.
Le maître dont l’humeur est prompte
Va vouloir qu’avec lui je compte,
Et je n’ai rien à lui montrer.
Qui voudra venir à mon aide
Et faire un miracle pour moi ?
On m’a tant dit qu’avec la foi
Le mal n’est jamais sans remède !
Vous êtes fée, ô blanche sœur !
Et chacun vous sait la puissance
De rendre au regret l’espérance,
À l’amertume la douceur.
Si vous vouliez, ô ma sœur blonde !
Tout aussitôt de votre sein
S’échapperait un bel essaim
D’oiseaux bleus volant à la ronde.
Fouillant ravin, creux et buisson,
De leurs yeux verts, de leurs becs roses,
Ils reprendraient à toutes choses
Les épaves de ma moisson.
Quelque fine perle peut-être,
Larme tombée en bon terrain,
Se trouverait mêlée au grain !
Qui serait content ? C’est le maître.
Il dirait : « Sois le bien reçu !
Car ta corbeille est plus que pleine :
Quelque vierge, en sa douce peine,
Y mit du poids à ton insu. »
ENVOI
Les oiseaux bleus sont vos pensées ;
Dès que vous leur donnez l’essor,
Elles s’en vont rechercher l’or
De mes croyances dispersées ;
Et je retrouve en un seul jour
Les biens perdus de ma jeunesse,
Mais accrus par votre largesse
D’un rayon du plus pur amour.
Poème publié et mis à jour le: 16 December 2022