Poèmes

Les Cœurs Fidèles

par Dominique Pagnier

Nuages ameutés au-dessus des maisons. D'anciens soirs accourent d'Allemagne. En de lointains sursauts d'orages, celle qui a vieilli défaisant chaque nuit son ouvrage entend parfois
rentrer un dernier train de prisonniers qu'on croyait perdus au fond du Temps.

À leur absent les pécheresses sont restées fidèles, se livrant à l'occupant quand leur cœur n'était qu'une lampe secrète posée par grand vent au
bord des fenêtres pour signaler l'avance ennemie à la nuit des partisans.

De même ont passé les égéries d'un poète et, si leur chevelure a blanchi, en reste dans un tiroir d'acajou une mèche nimbée d'une atmosphère de
novembre.

Quand s'éteignit la dernière pour avoir imité Jésus-Christ de son sang, on vit revenir sur la campagne ce vieux soir du bombardement de Péronne. Dans la même
lumière une mère comptait à son enfant tremblant des gouttes d'atropine. Il était clair que les jardins ne seraient repris par l'automne qu'au prix d'une vaste tuerie.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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