J'ai brûlé mes champs de blé, j'ai affamé ma
Babylone, j'ai mis le feu aux entrepôts et j'ai coupé les aqueducs.
Si le soleil ne s'éteint pas sur mes États, c'est que mon règne est d'un seul jour.
L'anti-roi de la nuit d'en-bas, l'anti-moi de l'autre face, il pense et meut un ciel noir crevé d'astres.
Il meurt, mon peuple, il se retourne dans sa peau,
il souffle vers le ciel ses bronches,
et ses orteils l'ancrent au sol.
Ses pieds sont les racines et ses poumons les branches
d'une forêt de famine, dès midi.
Mais j'ai tari la pluie et le bois se fait pierre, les feuilles se font poussière, mon peuple minéral poudre les grandes routes et se rend tout entier à la boue, dès le
soir.
Celui qui rit à l'opposé, ah! qu'il s'engraisse
de mes débris pulvérisés, qu'il s'illumine
de toute vie que j'ai chassée de mon royaume.
Celui qui rit, c'est l'Autre
Roi, non, c'est la
Reine, c'est la
Reine la
Mère, elle règne à l'envers, c'est pour elle cette dévastation, pour elle, j'ai laissé retomber à la terre les dieux qui s'embrassaient dans mes champs et mes
villes.
Où je n'ai pas d'œil elle voit
— que ce soient les seules
Visions ! —
Où je n'ai pas d'oreille elle entend
— que ce soient les seuls
Charmes ! —
Où je n'ai pas de narine elle respire
— que ce soient les seuls
Parfums ! —
Où je n'ai pas de langue elle goûte
— que ce soient les seules
Saveurs ! —
Où je n'ai pas de peau elle touche
— que ce soient les seules
Caresses ! —
C'est la
Reine ma nuit qui veille dans ma mort, c'est la
Mère qui règne à l'inverse du jour, c'est toi que jamais mes yeux ne verront dans ce monde dont le soleil n'est pas pour toi, je ne te verrai pas,
mais parce que tu es le contraire de ce mensonge, parce que tu brilles vraiment dans le vide de ma poitrine, dans le désastre, dans le néant de la lumière, parce que jamais je ne
te vêtirai de cette trompeuse pellicule de clarté dont s'habille mon peuple de dieux somnambules, parce que
Tu n'es rien de
Ce que tu pourrais être, je te supplie :
ne me trompe pas,
ne viens pas dans ce monde,
ne prends jamais figure humaine,
fais plutôt que je sois une brute sans cœur,
ne viens pas surprendre mes yeux,
ne viens pas me consoler,
je ne veux pas t'aimer dans ce mensonge,
ce ne sera jamais toi,
ici jamais toi,
reste là dans la nuit où je suis avec toi le seul
Jour.
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012