Le semeur

Je ne fuis pas le temps qui passe
Et passe mon temps à rêver :
Par quel magique passe-passe
Parviendrai-je à me relever ?

J’ai cru un moment à la gloire
Une fois franchies les hauteurs
Mais, je conserve en ma mémoire
La faiblesse de mes moteurs.

Aussi, cherché-je sous la terre
Où se cache le bulbe d’or
Donnant un fruit (par quel mystère ?)
De germinal à fructidor.

Mais, je dois ôter à la boue
Mon pied collé - avec effort -
L’autre coincé dans la gadoue
Me fait rester dans l’inconfort.

Alors que tout mon corps se meurt
Et semble accepter la défaite
Arrive un rustre et gai semeur
Chantant, sifflant le cœur en fête

Qui m’enlève de ma prison
Et met dans le trou douze graines
Qui donneront à la saison
Lilas, lys, marguerites-reines.

« Je sème avec un peu d’avance
Et pousseront beaucoup de fleurs
Comme la lavande en Provence
Qui s’étend aux jours des chaleurs »

- Oh ! Je n’en demande pas tant :
Juste une vivante semence
Pour un seul pétale épatant
Le poète et son monde immense

Né d’une superbe racine
Nourrie de vers délicieux
Goûteux comme ceux de Racine
Conservés par Dieu dans les cieux.