Poèmes

Le Deuxième Homme

par Aloysius Bertrand

Aloysius Bertrand

Enfer ! - Enfer et paradis ! - cris de désespoir ! cris de joie ! - blasphèmes des réprouvés ! concerts des élus ! - âmes des morts, semblables aux chênes de
la montagne déracinés par les démons ! âmes des morts semblables aux fleurs de la vallée cueillies par les anges !
*
Soleil, firmament, terre et homme, tout avait commencé, tout avait fini. Une voix secoua le néant. « Soleil ! appela cette voix, du seuil de la radieuse Jérusalem. - Soleil
! » répétèrent les échos de l'inconsolable Josaphat. - Et le soleil ouvrit ses cils d'or sur le chaos des mondes.
Mais le firmament pendait comme un lambeau d'étendard. - « Firmament ! appela cette voix, du seuil de la radieuse Jérusalem. - Firmament ! » répétèrent les
échos de l'inconsolable Josaphat. - Et le firmament déroula aux vents ses plis de pourpre et d'azur.
Mais la terre voguait à la dérive comme un navire foudroyé qui ne porte dans ses flancs que des cendres et des ossements. - « Terre ! » appela cette voix, du seuil de
la radieuse Jérusalem. - « Terre ! » répétèrent les échos de l'inconsolable Josaphat. - Et la terre ayant jeté l'ancre, la nature s'assit, couronnée
de fleurs, sous le porche des montagnes, aux cent mille colonnes.
Mais l'homme manquait à la création, et tristes étaient la terre et la nature, l'une de l'absence de son roi, l'autre de l'absence de son époux. - « Homme ! »
appela cette voix, du seuil de la radieuse Jérusalem. - « Homme ! » répétèrent les échos de l'inconsolable Josaphat. - Et l'hymne de délivrance et de
grâces ne brisa point le sceau dont la mort avait plombé les lèvres de l'homme endormi pour l'éternité dans le lit du sépulcre.
- « Ainsi soit-il ! », dit cette voix, et le seuil de la radieuse Jérusalem se voila de deux sombres ailes. - « Ainsi soit-il ! » répétèrent les
échos, et l'inconsolable Josaphat se remit à pleurer. - Et la trompette de l'archange sonna d'abîme en abîme, tandis que tout croulait avec un fracas et une ruine immenses :
le firmament, la terre et le soleil, faute de l'homme, cette pierre angulaire de la création.



Poème publié et mis à jour le: 16 November 2012

Lettre d'Informations

Abonnez-vous à notre lettre d'information mensuelle pour être tenu au courant de l'actualité de Poemes.co chaque début de mois.

Nous Suivre sur

Retour au Top