J’ai roulé une cigarette
De tabac parfum caramel
Et mes deux choux-fleurs en fleurette
Seront couverts de Béchamel.
J’enlève – en me piquant – l’arête
Centrale d’un grand éperlan
Hurlant semblant me dire « arrête »
Avec des yeux frits de merlan.
« Poisson, parlons, sans interprète :
Ton os acéré m’a fait mal ;
Echangeons de façon concrète
Nos talents d’homme et d’animal.
Mais ta voix d’ablette indiscrète
S’entend à peine maintenant
Qu’à l’aide d’une arme secrète
Je t’endors en te maintenant.
D’abord, ta mort est déjà prête
Puisque tu fus pêché hier soir
Alors veux-tu que je te prête
Mon regard pour pouvoir me voir ? »
Je regrette mais je te traite
Avec l’esprit calme et serein
Du gypaète qui s’apprête
A déchiqueter un serin.
Après manger, ma cigarette
Fera fumer son bon tabac ;
Toi, fais qu’arrête ton arête
De piquer quand Dupont t’abat.