Poèmes

La Tete du Comte

par Charles Marie Rene Leconte de Lisle

Charles Leconte de Lisle

Les chandeliers de fer flambent jusqu'au plafond
Où, massive, reluit la poutre transversale.
On entend crépiter la résine qui fond.
Hormis cela, nul bruit. Toute la gent vassale,
Écuyers, échansons, pages, Maures lippus,
Se tient debout et roide autour de la grand'salle.
Entre les escabeaux et les coffres trapus
Pendent au mur, dépouille aux Sarrazins ravie,
Cottes, pavois, cimiers que les coups ont rompus.
Don Diego, sur la table abondamment servie,
Songe, accoudé, muet, le front contre le poing,
Pleurant sa flétrissure et l'honneur de sa vie.
Au travers de sa barbe et le long du pourpoint
Silencieusement vont ses larmes amères,
Et le vieux Cavalier ne mange et ne boit point.
Son âme, sans repos, roule mille chimères :
Hauts faits anciens, désir de vengeance, remords
De tant vivre au delà des forces éphémères.
Il mâche sa fureur comme un cheval son mors ;
Il pense, se voyant séché par l'âge aride,
Que dans leurs tombeaux froids bienheureux sont les morts.
Tous ses fils ont besoin d'éperon, non de bride,
Hors Rui Diaz, pour laver la joue où saigne, là,
Sous l'offense impunie une suprême ride.
Ô jour, jour détestable où l'honneur s'envola !
Ô vertu des aïeux par cet affront souillée !



Poème publié et mis à jour le: 16 November 2012

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