J'allai à
Lourdes par le chemin de fer, le long du
Gave qui est bleu comme l'air.
Au soleil les montagnes semblaient d'étain.
Et l'on chantait : sauvez ! sauvez ! dans le train.
Il y avail un monde fou, exailé, plein de poussière et du soleil d'été.
Des malheureux avec le ventre en avant étendaient leurs bras, priaient en les tordant.
Et dans une chaire, où était du drap bleu, un prêtre disait : « un chapelet à
Dieu ! »
Et un groupe de femmes, parfois, passait,
qui chantait : sauvez ! sauvez ! sauvez ! sauvez !
El la procession chaniail.
Les drapeaux se penchaient avec leurs devises en or.
Le soleil était blanc sur les escaliers, dans l'air bleu, sur les clochers déchiquetés.
Mais sur un brancard, portée par ses parents, son pauvre père tête nue et priant,
et ses frères qui disaient : « ainsi soil-il », une jeune fille sur le point de mourir.
Oh ! qu'elle était belle ! elle avait dix-huit ans, cl clic souriait ; elle était en blanc.
Et la procession chantait.
Les drapeaux se penchaient avec leurs devises en or.
Moi je serrais les dents pour ne pas pleurer, et cette fille, je me semais l'aimer.
Oh ! elle m'a regardé un grand moment, une rose blanche en main, souriant.
Mais maintenant où es-tu ? dis, où es-tu ?
Es-tu morte ? je t'aime, toi qui m'as vu.
Si tu existes.
Dieu, ne la tue pas :
elle avait des mains blanches, de minces bras.
Dieu, ne la tue pas ! - cl ne serait-ce que pour son père nu-tête qui priait
Dieu.
Laisse les nuages blancs passer au soleil.
Il n'y a ici que toi, la terre et le ciel.
Ne pense à presque rien.
Douces comme du miel,
auprès des cressons bleus les brebis viendront boire.
La fille chantera dans la métairie noire, et sur la terre tiède il tombera des poires.
La vieille tremblera sur le rouet tremblant, le bélier bêlera dans le troupeau bêlant - et la fille aimera l'amour de son amant.
Les ânes passeront en frissonnant de mouches.
La mère chantera sur l'enfant qu'elle couche, et je l'embrasserai, la bouche sur la bouche.
Puis le ciel sera bleu, puis le ciel sera gris.
Les oiseaux chanteront et pousseront des cris et auprès du vieux puits il poussera des buis.
Ecoute mon amie : il y a sous la grange
un nid d'hirondelles petites et criardes
et qui ont la douceur de la vie calme et sage.
Les grands chars sont passés.
Sur leurs cornes luisantes les bœufs avaient les longues fougères ombrageantes des bois glacés d'Été qui ont des sources lentes.
On a coupé les blés qui dormaient au soleil ; puis la pluie est venue, elle est venue du ciel : elle a noyé le blé et a mangé le miel.
On a coupé mon cœur qui dormait au soleil...
Une fille est venue, elle est venue du
Ciel : elle a noyé mon cœur et a mangé le miel :
mais la douleur est douce et ton amour est doux.
Tu m'as donné ton cœur, ta tête et tes genoux : nous ne faisons plus qu'un et ton cœur est à nous.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012