Poèmes

Et furent créés les poissons panés

par Jean-Michel Bollet

A ne pas en douter, les vieux ne sont pas nés
Après l’année soixante
Quand ne puaient plus les peaux des poissons panés
Bienheureux qu’on les sente

Ainsi que bouc et chèvre dont leur cabri au lait
Se mangeait en Ardèche
Quand les beaux Lyonnais dans leur cabriolet
S’en prenaient à la dèche

Et aux alentours de la cité de Nemours
Vivaient en Seine et Marne
Des Brie coulants voulant couler leurs doux amours
Ailleurs que dans la marne

Les pâles parisiens aux si plats pectoraux
Rêvaient de la Camargue
Où les lassos allaient au beau cou des taureaux
Dont le vacher se targue

Beaucoup ne sont pas nés quand Bertrand Du Guesclin
Faisait mal à l’Espagne
Qui aujourd’hui comme la France est en déclin
Sa fidèle compagne

Le plus grand roi des Francs fut le nommé Clovis
Qui reçut le baptême
Puis il mit les païens dans un étau sa vis
Leur broya le système

Le vivant se battait jusqu’à en être mort
Et réclamait sa veille
Puis circulait devant tous en pensant qu’a tort
L’endormi qu’il réveille

C’était au temps où les poissons blancs nageaient dans
Une eau tranquille et claire
Maintenant, les flétans ressemblant aux sans dents
Semblent être pour plaire.

Bien sûr, tous les poissons ne sont pas nés panés
(Le grondin est horrible)
Mais les marins-pêcheurs ne sont pas dépannés
Par l’océan terrible

Le camembert ne veut plus qu’il soit dit puant
Et le lait préfère vivre dans une brique
Mais la chouette effraie, le hibou chat-huant
De leur œil rond voient se bâtir une fabrique

A donner quelque chose à des gens au repos
Qui ont perdu le goût de manier la pioche
Et la baïonnette pointue qui troue la peau
Du vaillant dont la main reste au fond de la poche.

Les morts ne dorment plus près des flancs des vivants
Engraissés aux produits affranchis de la terre
Et les mers ne font plus confiance à leurs vents
Chargés des poisons qui changent son caractère.

Demain, de vrais Picards, de gais enfants d’Amiens
Iront découvrir la promenade de Nice
Entourés de copains : Brice, Luc et Damien
Et n’auront pas lu de Racine Bérénice

Mais s’empiffreront des tristes modernités
Qui piègent goulûment le candide touriste
Et les Dieux ébaubis dans leurs éternités
Voient se développer le monde futuriste

Se mouler au présent dans le vieux vêtement
Qui serre à la ceinture et sert juste à la mode
Et qu’il renfilera cet âne bêtement
Mais d’une autre façon ou sous un autre mode.

Poisson, fromage, bouc, pieds foulant le raisin,
Ecartèlements et duels à la rapière,
Enucléations, valent bien des Feyzin
Dont le mortifère air est pire que la pierre

Que les preux propulsaient par l’ingénieux jeu
Des catapultes sur les armées ennemies
Et les gorges tranchées connaissaient bien l’enjeu
Des règles où seules les terreurs sont amies.

Les cachottiers mettent sang, sueur, puanteur
De côté pour ne pas troubler l’eau de la berge
Qui, sournoisement, dans le sable et en lenteur
Agace avec douceur leur petit ver dit verge.

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