Poèmes

Déserts Plissés

par Jean Tardieu

Jean Tardieu

Quand nous aurons déjoué les pièges rassurants

les apparences paisibles nous connaîtrons le sens de tout le
Strié le
Pointillé le
Déchiré ce qui commence à ouvrir la paupière et ce qui

est à demi effacé le calme qui fait peur le mouvement fou

qui s'accélère.
Nous saurons que le mort est un grand oiseau triste en forme de feuille et quel drôle de petit troll gambade dans

le vide si on pense à autre chose.
Nous serons les familiers du parallélépipède

en faux col de la table à tête de corbeau du
Kobold et de la
Bretonne qui font rouler la terre un train d'enfer en sautant dessus comme sur un tonneau de la dame noire en tronçons, du serpent

mondain aux pattes molles des
Messieurs allumettes joueurs de castagnettes de l'œuf enragé qui bondit sur le lézard mort du vrai fouillis de je ne sais quoi qui est là pour confondre tout le monde

dans la conversation de la patronne prétentieuse en chignon qui

charme un grand cerceau de cirque de l'oiseau toujours l'oiseau des poutres

le bec et l'ongle prêts au bord

du gouffre incertain je veux

dire mesquin je veux dire

malin effrayant et risible

c'est tout un.

Voilà pourquoi les lacets de mes souliers dansent la bourrée d'Auvergne (le second fonce de la tête comme un marlou).

Voilà pourquoi j'apprivoise une tapisserie-hibou à deux têtes

un quidam végétal, manchot et drapé, qui se fâche

un utérus qui fait le poisson

le grand
Comique de la géométrie linéaire (il en a un œil le petit triangle !)

le vrombissement du mollusque qui survole le désert plissé de l'empreinte digitale.

Voilà pourquoi en frottant mes rêves sur

le réel rugueux j'ai su qu'il y a du clownesque dans

l'inquiétant, une bêtise des

monstres, une perfidie de

l'obtus.
Tout ce joli monde apparaît dans les

interstices et me montre

du doigt en pouffant quand je me réveille avec des sueurs

froides dans la nuit la plus transparente.

Mais moi la main dans la main avec la

menace et le danger, je dompte l'inconnu qui est partout

c'est à mon tour de rire et de provoquer l'impuisable
Surprise l'ennemi se replie en désordre je respire

un nouvel espace plus vaste et plus solitaire que l'autre.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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