Toutes les nuictz je ne pense qu'en celle,
Qui a le corps plus gent qu'une pucelle
De quatorze ans, sur le point d'enrager :
Et au dedans un cueur, pour abréger,
Autant joyeux, qu'eut onques
Damoyselle.
Elle a beau tainct, un parler de bon zelle.
Et le
Tetin rond comme une
Groizelle :
N'ay je donc pas bien cause de songer
Toutes les nuictz ?
Touchant son cueur, je l'ay en ma cordelle,
Et son
Mary n'a sinon le corps d'elle :
Mais toutesfoys, quand il voudra changer,
Prenne le cueur : et pour le soulager
J'auray pour moy le gent corps de la belle
Toutes les nuictz.
Au bon vieux temps un train d'Amour régnait,
Qui sans grand art et dons se démenait,
Si qu'un bouquet donné d'amour profonde,
C'était donné toute la terre ronde ;
Car seulement au cœur on se prenait.
Et si par cas à jouir on venait,
Savez-vous bien comme on s'entretenait?
Vingt ans, trente ans : cela durait un monde
Au bon vieux temps.
Or est perdu ce qu'Amour ordonnait ;
Rien que pleurs feints, rien que changes on oit ;
Qui voudra donc qu'à aimer je me fonde,
Il faut premier que l'amour on refonde,
Et qu'on la mène ainsi qu'on la menait
Au bon vieux temps.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012