Poèmes

De Carême

par Clément Marot

Cessez, acteurs, d'écrire en éloquence
D'armes, d'amours, de fables et sornettes :
Venez dicter sous piteuse loquence
Livres plaintifs de tristes chansonnettes.

N'écrivez d'or, mais de couleurs brunettes,
A celle fin que tout deuil y abonde.
Car
Jésus-Christ, l'Agneau tout pur et monde,
Pour nous tirer des
Enfers détestables
Endura mort horrible et furibonde

En ces saints jours piteux et lamentables.

Romps tes flageols, dieu
Pan, par violence,
Et va gémir en champêtres logettes.
Laissez les bois, vous, nymphes d'excellence,
Et vous rendez en cavernes sujettes.
Ne chantez plus, réfrénez vos gorgettes,
Tous oiselets !
Trouble-toi, la claire onde !
Ciel, noircis-toi !
Et d'angoisse profonde,
Bêtes des champs, par cris épouvantables,

Faites trembler toute la terre ronde
En ces saints jours piteux et lamentables.

Riches habits de noble préférence
Veuillez changer, dames et pucelettes,
Aux ornements de dolente apparence,
Et resserrez vos blanches mammelettes.

En temps d'été florissent violettes,
Et en hiver sèchent par tout le monde :
Donc puisqu'en vous joie et soûlas redonde
Durant les jours à rire convenables,
Pleurez au moins, autant noire que blonde,

En ces saints jours piteux et lamentables.

ENVOI

Prince chrétien, sans que nul te confonde,
Prêche chacun qu'à jeûner il se fonde,
Non seulement de mets bien délectables,
Mais de péché et vice trop immonde, »
En ces saints jours piteux et lamentables.



Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017

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