Dans ce jardin si beau de salades de fleurs
De thym de groseilliers de poireaux de rhubarbe
N’a pas été semé le gros grain des malheurs
Et j’ai vu sur papa croître une bien drue barbe
Maman donnait à boire à ces êtres vivants
Quand la pluie n’était pas disposée à le faire
En penchant l’arrosoir sur l’un et les suivants
Avec le sain désir de bien les satisfaire
Très souvent mes parents étaient au milieu d’eux
Et leur prodiguaient des soins en grattant la terre
Ou en la retournant ils s’y mettaient à deux
Avec entrain et la force du caractère
Et quand ils quittaient les lieux fatigués heureux
Ils raclaient leurs sabots sur la tige ferreuse
Avec soin je trouvais qu’ils étaient valeureux
D’avoir éprouvé leur colonne douloureuse
C’est qu’ils avaient atteint déjà un âge où l’on
Préfère s’affaler dans un fauteuil à lire
A cultiver le far niente à Toulon
Qui une fois poussé se fait par tous élire
J‘admirais mes vieux qui cueillaient les bigarreaux
Récoltaient des paniers de haricot vert tendre
Je les guettais parfois derrière les carreaux
Et ils riaient mais je ne pouvais les entendre
Un jour ils sont rentrés avec une verveine
Une tomate deux laitues et trois radis
En s’écriant fiston on a bien de la veine
D’avoir de bons amis dans notre paradis
Aujourd’hui Marie-Louise et Alexandre sont
Allés voir si les vers font leur travail en terre
Accueillis par une racine de cresson
Qu’une pluie bienveillante et fine désaltère.