Chaque jour est un printemps !
J’aime ce qui est clair, juste, précis et net,
Je vois avec mon cœur, je sais admirer tout
De la jolie linotte à la petite tête,
De la petite bête au minuscule cou.
Au revoir à l’hiver qui fait place à l’avril
Précédant un été, avec sève et pistils.
Sur les lilas fleuris où perle la rosée,
Rouges, verts, bleus, jaunes, marron ou orangés,
Le scarabée, l’abeille et la courtilière
Sortent ailes et pattes de leurs chaumières.
L’un se soucie de ses antennes
Dans sa toilette quotidienne,
Avec ses jambes si agiles
Sous sa carapace fragile.
L’autre bourdonne en s’envolant
En s’agitant fébrilement
Et se pose légèrement
Sans provoquer de tremblement.
Parfois, on les croit perdus quelque part :
Les voici qui reviennent, un peu plus tard ;
Ils ont fugué à cause d’un tourment
Dont nous ne saurons rien : les chenapans !
Ah ! qu’ils aiment se battre et s’amuser
Autour d’un pied de vigne vendangé
Et montrer la folie de leur ivresse
En se jetant des brassées de tendresse.
Je me repais de la fourmilière
Œuvre bâtie par des légionnaires,
Des guerriers, ouvriers, ouvrières
Allant, venant, poussant, tirant
Devant, derrière,
Un fil de crin, une aiguille de pin
Qui feront une maison de ces riens.
Un arbrisseau s’est ombragé dans le jardin ;
Autour de lui, des guêpes sont dans la lumière
En cherchant vivement le meilleur des chemins
Où butiner jasmins, bleuets, roses trémières ;
Et le soir s’étend sur l'été blond qui s’épand
Sur le lustre des prés et les coteaux changeants ;
Les visiteurs emportent leurs maigres captures
Dans leurs petits abris de villégiature.
Puis, août nous quitte en emportant ses roux ;
Le soleil s’est calmé au surgir d’une ondée
Qui, douce, rafraîchit le gui, le houx,
Pétales et corolles dénudés
Qui aiment qu’on les touche, après l’exquise douche
Avec humilité, en approchant la bouche
Et, avec un baiser, on perce le mystère
Du suc royal goûté aux lèvres de la terre.
Graines éparses, insectes, feuilles et rameaux
Tressent leurs fils d’argent autour de l’écheveau
Des mares, des étangs, des lacs et des roseaux,
Sous le regard béat des canards et des veaux.
Je les entends, un peu avant le crépuscule,
Quand l’étoile qui chauffe est allée en recul,
Quand l’ombre avance au pied du grand bouleau tout droit
Et que se troublent les cheminées sur les toits.
Ils clament leur émoi et fiévreusement
Leur bonheur innocent de vivre simplement
Parmi la renoncule et le chardon piquant,
La gentiane et le troupeau de moutons blancs.
Vous qui vivez dans l’eau, sur terre et dans les airs
Vous m’apportez la clarté de votre lumière
Et l’astre solaire et la pluie et les éclairs
Sont la nourriture et de loin, que je préfère.
Depuis les broussailles jusqu’au sapin géant,
Une mousse, une herbe, un pétale ou un raisin
Sont pris, avec respect, entre mes doigts tremblants ;
La feuille jetée par le vent sur le chemin
Est ramassée, dépliée, délicatement.
Je me suis mis à ressembler à mes amis :
Et, me voici triton, pâquerette et frelon,
Mouche écartelée avec dédain et mépris
Et toile d’araignée tissée entre deux joncs.
Je suis le bruissement du feuillage chantant
Et la pie qui jacasse ; Etourdi, je m’étonne.
Va, ma coccinelle, va-t-en au firmament
Demander au bon Dieu des étés au printemps,
Des hivers reposants après de beaux automnes.
Saoulé, assommé, je m’endors en sanglotant.