Les gros dindons, à travers champs,
D'un pas solennel et tranquille,
Par les matins, par les couchants,
Bêtement marchent à la file,
Devant la pastoure qui file,
En fredonnant de vieux fredons,
Vont en procession docile
Les gros dindons!
Ils vous ont l'air de gros marchands
Remplis d'une morgue imbécile,
De baillis rogues et méchants
Vous regardant d'un œil hostile;
Leur rouge pendeloque oscille;
Ils semblent, parmi les chardons,
Gravement tenir un concile,
Les gros dindons!
N'ayant jamais trouvé touchants
Les sons que le rossignol file,
Ils suivent, lourds et trébuchants,
L'un d'eux, digne comme un édile;
Et, lorsqu'au lointain campanile
L'angélus fait ses lents din! dons!
Ils regagnent leur domicile,
Les gros dindons!
Prud'hommes gras, leurs seuls penchants
Sont vers le pratique et l'utile,
Pour eux, l'amour et les doux chants
Sont un passe-temps trop futile;
Bourgeois de la gent volatile,
Arrondissant de noirs bedons,
Ils se fichent de toute idylle,
Les gros dindons!
Poème publié et mis à jour le: 05 August 2022