Poèmes

A Monseigneur le Reverendissime Cardinal Dubellay

par Jacques Peletier du Mans

D'autant que l'art peut moins que la
Nature,

Cest œuvre mien, qui sus le vif est pris,

Est moins parfait et moins digne de prix,

Que de
Maron * la divine facture.
Mais toy auquel j'en donne la lecture,

Peut enhardir tellement mes espritz,

Que le labeur lequel ay entrepriz

Suivra de près la vive portraitture
Virgile mesme onc n'y fust parvenu,

Si
Mecenas ne l'y eust maintenu.

Fay donc ma plume aisée, prompte, agile,
Qui le moyen, et le pouvoir en as :

Car si je suis plus petit que
Virgile,

Aussi es tu plus grand que
Mecenas.

Qui d'un poëte entend suivre la trace
En traduisant, et proprement rimer,
Ainsi qu'il faut la diction limer,
Et du françois garder la bonne grâce,

Par un moyen luy conviendra qu'il face
Egale au vif la peinture estimer
L'art en tous pointz la
Nature exprimer
Et d'un corps naistre un corps de mesme face :

Mais par sus tout met son honneur en gage,
Et de grand'peine emporte peu d'estime
Qui fait parler
Pétrarque autre langage,

Le translatant en vers rime pour rime :
Que pleust aux
Dieux et
Muses consentir
Qu'il en vinst un qui me peust démentir.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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