Poèmes

Vue d’en Haut

par Wisława Szymborska

Sur un petit sentier gît un hanneton mort.
Ses trois paires de pattes soigneusement pliées.
Au lieu du mortel gâchis -ordre et netteté.
L’horreur de cette vision reste modérée,
et sa portée locale, du chiendent à la menthe.
La tristesse ne se partage guère.
Le ciel est bleu.

Pour notre tranquillité, les animaux ne meurent pas,
mais crèvent d’une mort que l’on dit moins profonde,
en y perdant -nous voulons le croire- moins de sens et de monde,
quittant, comme il nous semble, une scène moins tragique.
Leurs âmes humbles et soumises ne hantent pas nos nuits,
gardent toutes leurs distances,
restent à leur place.

Ainsi donc, le hanneton, gisant mort sur le sable,
brille au soleil dans son état nullement déplorable.
Il suffit de penser à lui d’un seul regard:
Non, rien de capital ne lui est arrivé.
Ce qui est capital ne s’accorde qu’à nous.
À notre vie, à notre mort uniquement,
notre mort qui, à tout instant, impose sa priorité.



Poème publié et mis à jour le: 04 December 2022

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