Solitude.
Le jeune homme est assis sur la chaise de bois.
La tête dans ses mains, il n’entend plus les voix
De la rue, allumée de quelques feux du soir
Qui s’éteignent laissant seul le froid dans le noir.
C’est l’hiver. Grelottant (car la pièce est sans feu)
Le garçon, dispersant d’un geste sans enjeu
Livres, cahiers, feuillets sur la table carrée,
Dit une injure à Dieu, lasse et désespérée.
Il est seul, toujours seul. La grande maison vide
Parle comme en été. Mais le mur est humide.
Le garçon songe à lui, tout à sa lassitude,
Et la mélancolie fait place à l’inquiétude.
À quoi sert ce long temps où sa vie se consume ?
Pourquoi vivre lorsqu’il s’enfonce dans la brume
De l’ennui, quand il perd tout désir de la vie
Et que toute gaieté lui a été ravie ?
À quoi bon vivre ainsi, à ne servir à rien,
Pour n’être qu’un objet rattaché par un lien
D’inutile existence à l’haleine d’un corps
Haletant au flux froid d’un rêve craint de mort...
De tristesse en chagrin, de spleen en hébétude,
Sa morne vie inscrit ses maux dans l’habitude,
Lui soustrait tout désir, toute envie, tout plaisir
Mais sans lui accorder la force de mourir.
Novembre 1959.
Jean Ciphan, « Sentiers incertains »
Au sujet de Jean Ciphan
A Propos
Je suis né en 1942. Pendant plus de soixante ans, j'ai savouré le bonheur d'écrire pour mon seul plaisir. Je pense le temps venu d'oser enfin publier !
1960.
Tombé tout jeune dans "la marmite des mots", je crois indispensable de garantir la pérennité de mon œuvre poétique en devenir par un nom de plume Jean Ciphan.
Je la rassemble en un cahier, celui de mes "Sentiers incertains" !
Toutefois, je conserve mon patronyme (Jean Yvon Chapin) pour signer "Les frères Letellier", mon premier essai littéraire...
1962.
Tout jeune enseignant, je rencontre Monsieur Guy des Cars et lui remets en main propre mon manuscrit. Le directeur de l’Académie du Maine me fait l'honneur de le considérer avec intérêt ; lecture faite, il me recommande « de l’étoffer pour en faire un roman ».
Le romancier parcourt également le recueil de mes textes poétiques ; il les apprécie et me conseille de faire parvenir mon cahier (vingt-neuf poèmes) à Monsieur Pierre Seghers, créateur de la collection "Poètes d’aujourd’hui".
J’y souscris bien volontiers et reçois en retour les « encouragements » du célèbre éditeur, sous pli recommandé !
1971.
Professeur de lettres dans un collège du Mans, j’entreprends l’écriture d’un nouveau roman, "Kermarzin". Toutefois, mes engagements professionnels, associatifs et familiaux prennent rapidement le pas sur mon violon d’Ingres !
1983/1997.
Devenu chef d'établissement, je dirige successivement les collèges de Mamers et de La Suze-sur-Sarthe.
2002.
Les mois, les années passent. Me voici aux Sables-d'Olonne, sur la côte de Lumière, de plain-pied dans le siècle nouveau : ma passion pour les mots est intacte !
Retraité, je dépoussière mes carnets et cahiers... Les protagonistes de "Kermarzin" y sont en léthargie... Ma soif d’écriture demeure. Avant de l’étancher, je décide de m’imprégner des lieux, des usages, des ambiances que mes héros auront à partager. J’y prendrai tout mon temps : ensuite seulement je les réveillerai !
2003.
Je suis victime d’un accident vasculaire cérébral. L’épreuve est lourde, difficile à surmonter. Le soutien inconditionnel de mon épouse, de ma tribu et de mes soignants me permet de franchir l’obstacle. Il me toutefois faudra plus de dix ans pour y parvenir !
2013.
Après le temps du recul nécessaire et pour témoigner, je rédige une plaquette susceptible d’aider les personnes victimes d’AVC et celles qui les entourent, "La tache d’encre bleu roi".
2016.
Au cours de l’été, j’entreprends l'écriture de "Mission Codlea". Le récit rapporte l’aventure humanitaire exceptionnelle et admirable que mon épouse, décédée en 2015, a initiée et conduite en Roumanie, auprès des orphelins de cinq maisons d'enfants, de 1990 à 2013.
2018.
Sous le titre "Oser dire", je rassemble et publie quelques-uns de mes poèmes et les fantaisies qui les accompagnent. (Les "Sentiers incertains" y ont pris toute leur place ! )
Deux romans sont achevés : les protagonistes de "Kermarzin" ont été réveillés et j’ai enfin suivi le conseil de Guy des Cars en étoffant "Les frères Letellier".
"La tache d’encre bleu roi" devrait également paraître prochainement..
Poème publié et mis à jour le: 19 August 2018