Gestes las de l’ennui dormant dans les rideaux...
— Fatigues et rancœurs ! — lourds passages d’autos
Qui font dans le cristal embrumé des boutiques
Voyager en chantant leurs flammes élastiques,
— Voix qui tombent, voix qu’on étouffe sur le pas
Des portes, voix de gens que l’on n’aperçoit pas !...
Odeurs des trains, gras courants d’huiles des fritures
Et léthargique paix des rouges devantures !...
Â
C’est le soir, le soir trouble et triste qui revient,
Un soir de fièvre plein de cris musiciens,
Le soir qui fait vibrer les salles de bastringue
Et qui, sous son drapeau d’astres dont les plis fringuent,
Promène en languissant, par les mornes trottoirs,
Son troupeau rose et blanc de femmes, dans du noir !
Â
C’est le soir, le vieux soir malade qui s’évoque...
De derrière les murs d’une gare, de rauques
Soupirs vous font penser à des retours de trains ?
Quelque chose d’humain dans le vent vous étreint !...
Des conciles de chats pleurent dans les ardoises,
Le long des magasins des misères se croisent,
Les étages ont allumé tous leurs carreaux.
On voit des oiseaux d’or filer vers des châteaux...
Sous les bleus becs de gaz de grands couples se cambrent...
C’est le soir. Ah ! le soir lugubre ! C’est le soir
Qui fait sortir avec leurs fards et leurs miroirs
Les petites putains misérables des bouges,
Des bouges à l’affût sous les lanternes rouges...
Poème publié et mis à jour le: 22 November 2022