Si l’amour doit mourir, s’il se peut qu’il expire
Comme un épi trop mûr et de grains trop pesant ;
Si l’un et l’autre un jour nous fuyons son empire
En détournant do nous nos yeux agonisants ;
S’il doit nous arriver de ne plus nous connaître
Et de marcher plus tard à jamais écartés ;
Si l’amour se consume en épuisant notre être,
S’il ne peut se nourrir que de nos voluptés ;
S’il cesse de l’orner de l’attrait le plus rare
Quand le printemps palpite au fond de la forêt ;
Si même il te dépouille et puis s’il te dépare,
S’il dérobe à ton flanc ton vêtement doré ;
S’il faut que ta beauté me devienne étrangère,
Que j’en perde le goût de mon âme arraché ;
Si je dois y puiser quelque rancune amère,
Et s’il me faut te fuir au lieu de te chercher :
Alors, je te le dis, j’en atteste la terre,
Mieux vaut périr soudain sans aller plus avant !
Oui, je veux disparaître et partir solitaire,
Et ne plus te revoir, triste amour décevant !
— Que s’éteigne en mon cœur l’amour qui me dévore,
Ou que Vénus horrible allume un noir flambeau !
Que je ne puisse plus jamais revoir l’aurore !
Que mon corps tout entier se disperse en lambeaux !
Poème publié et mis à jour le: 22 November 2022