Est-ce vous
qui comprendrez pourquoi
serein,
sous les tempêtes de sarcasmes,
au dîner des années futures
j’apporte mon âme sur un plateau?
Larme inutile coulant
de la joue mal rasée des places,
je suis peut-être
le dernier poète.
Avez-vous vu
comme se balance
entre les allées de briques
le visage strié de l’ennui pendu?
Sur le cou écumeux
des rivières bondissantes
les ponts tordaient leurs bras de pierre.
Le ciel pleure
avec bruit,
sans retenue,
et le petit nuage
fait de la bouche une grimace fripée
comme une femme dans l’attente d’un enfant
a qui Dieu jetterait une borgne imbécile.
De ses doigts enflés couverts de poils roux
le soleil vous a épuisé de caresses, importuns comme
un bourdon.
Vos âmes sont asservies de baisers.
Moi, intrépide
je porte aux siècles ma haine des rayons du jour,
l’âme tendue comme un nerf de cuivre,
je suis
l’empereur des lampes.
Venez à moi,
vous tous
qui avez déchiré le silence
qui hurlez
le cou serré dans les nœuds coulants de midi.
Mes paroles
simples comme des mugissements
vous révèleront
nos âmes nouvelles,
bourdonnantes
comme l’arc électrique.
De mes doigts je n’ai qu’à toucher vos têtes
et il vous poussera
des lèvres
faites pour d’énormes baisers
et une langue
que tous les peuples comprennent.
Mais moi, avec mon âme boitillante
je monterai sur mon trône
sous les voûtes usées trouées d’étoiles.
Je m’allongerai
lumineux,
vêtu de paresse
sur une couche moelleuse de vrai fumier
et doucement,
baisant les genoux des traverses,
la roue d’une locomotive étreindra mon cou.
Poème publié et mis à jour le: 31 July 2019