La poésie provinciale n’a aucun charme
Pensez donc
Elle ne parle pas de Paris
Ou si peu
Paris serait une sorte de ville fantôme
Et l’eau aurait tellement coulé sous les ponts de la Seine
Que le zouave du pont de l’Alma se serait noyé
Dommage
Pourtant plus qu’à Rome
C’est à Paris que mènent toutes les routes
Kilomètre zéro oblige
La capitale serait ainsi le zéro pointé de la poésie
Une sorte de musée à ciel ouvert
Le repaire de vieux croutons verts
Qui brillent
Et meurent plus vite que des lucioles
Mais il y a la rive gauche
Ses cabarets à dire n’importe quelle bêtise
Les petits bars où l’on s’enivre
Ô cet aimant ce pot de glue
Et la folie du verre pour la furie du vers
Dans les bazars à culture
On cite ses amis
Mille milliards de conseils
Les fauteuils à causettes
Agitent leurs sentences
On adule les prix
On les méprise aussi
La poésie provinciale bat la campagne
Elle s’entrave souvent de la rime et du pied
Elle pratique le commisme* à tour de bras
Et la douceur amère des silences
Elle est aussi de saison
Hiver chantant l’hiver
Et printemps au printemps
Et les deux autres itou
Histoires de circonstances
Fêtes et anniversaires
Noces et banquets
Elle fait ses gammes
Elle brame avec les cerfs
Et beugle avec les bofs
La poésie est en province ce qu’elle est à Paris
Misère et violence
Elle craquelle de toutes parts
Et se redresse
Quelques mots sauvés des eaux
Elle se pose sur la tranche du jour
Elle se renfloue de la casquette
Pour saluer bien bas
Le fantôme d’un poète
Dans les allées du Luxembourg
Ou celles de notre parc de Montaud.
*Terme emprunté à Claude Albarede
2016-02