À mon père Charles-Eugène né un 17 juin 1912.
Tu t’élèves d’année en année un petit peu plus haut
Tu t’approches à petits pas du ciel
Du paradis tout bleu avec ses anges et ses houris
Tu ressembles au Mont Shasta en Californie du Nord
Avec tes cheveux blancs et ta barbe neigeuse
Tu redresses fièrement ta prestance
Pour y renifler et t’enivrer
De tout l’air salin du Pacifique
Tu es ce noble vieillard métamorphosé en montagne
Et tu vis en solitaire comme un saint ermite
Tu jettes au hasard un coup d’œil compatissant
Sur toutes nos petites misères et idioties d’ici-bas
Puis, toi, l’octogénaire, tu souris tendrement…
« À quoi bon leur dire qu’ils font des bêtises!
Lorsqu’ils auront comme moi les pieds sur les nuages
Les mains solidement agrippées aux étoiles
Et la tête dans le cœur de Dieu
Ils sauront bien que tous leurs petits bobos
Et babioles ne sont en rien comparables
Aux danses des anges
Au brouhaha des galaxies
Et au fracas des quasars. »
Après ses mots graves et solennels
Le vieil homme sagement se retira dans sa cabane
Et se terra en silence
Il pleuvait des pétales de roses trémières
Et des plumes de roselins pourprés
Dans le temple où mon père se recueillait
On jouait des airs de luth, de harpe et de clavecin
Dans le sanctuaire où mon père séjournait…