I
Telle autre gloire est, j'ose dire, plus fameuse,
Dont l'éclat éblouit mieux encor qu'il ne luit :
La sienne fait plus de musique que de bruit.
Bien que de pleurs brûlants écumeuse et fumeuse.
Mais la bonté du cœur, mais l'âme haute et pure
Tempèrent ce torrent " de douleur et d'amour
Et, se mêlant à la douceur de la nature.
A sa souffrance aussi, de nuit comme de jour,
Promènent sous le ciel tout pluie et tout soleil.
A chaque instant, avec à peine des nuances,
Un large fleuve harmonieux de confiances
Vives et de désespoirs lents, et, non pareil.
II chante, l'ample fleuve au capricieux cours,
L'hymne infini de toute la tendresse humaine
Où la fille et l'amante et la mère ont leurs tours.
Où le poète aussi, dans l'horreur qui nous mène.
Vient mêler son sanglot qui finit en prière
Universelle, et la beauté même d'un art
Issu du sang lui-même et de la vie entière,
Rires, larmes, désirs et tout, comme au hasard.
Car elle fut artiste, et, sous la fougue ardente
Dont va battre son vers vibrant comme son cœur,
On perçoit et l'on doit admirer l'imprudente
Main au prudent doigté tout vigueur et langueur.
—
Les villes, ainsi que les peuples, ont la gloire
Qu'elles valent, et toi,
Douai, tu méritas
Celle-ci, pays calme où vécut de l'histoire
Tumultueuse en masse et formidable en tas.
Cité d'églises et de beffrois, et campagnes
Pleines de « jeunes
Albertines », mais, encor,
«
Où s'assirent longtemps les ferventes
Espagnes '. »
Tel l'œuvre et tel le cœur, fleurs et pleurs, flûte et cor,
En harmonie avec la femme et le génie.
Il est juste, il est temps — pour l'honneur de ses vers ?
Non, ils sont ton honneur même et ta fleur bénie.
Sa patrie, ô
Douai, « doux * lieu de l'univers » —,
Il n'est que temps, il n'est que grand temps et que juste,
Ville, son cher soucic dans ce cruel
Paris,
De dresser quelque part sa ressemblance auguste
En quelqu'un de tes « coins » qu'elle a le plus chéris.
Afin que les cloches encor de
Notre-Dame
Bercent du moins son ombre à l'ombre des rameaux
Qui furent familiers au repos de cette âme
Infatigable et qui lui murmuraient les mots''
De ces poèmes dont nous célébrons la fête
Intellectuelle et cordiale, — et, ô
Toi, ô grande *
Marceline, ô sublime poète.
Et femme exquise, accueille cet acte de foi !
II
La plus noble d'esprit, la plus grande de cœur,
Partant la plus charmante et la plus douloureuse
Des femmes, c'est encore le poète vainqueur
Du rythme souple et sûr et de la rime heureuse.
Nous t'aimons et nous te louons, chaste amoureuse.
Toute passion forte et divine langueur,
Poëte au verbe plein par cette langue creuse,
Notre muse attendrie en ce vil temps moqueur.
Tu vécus de souffrir et mourus à la tâche ;
Tes premières chansons furent pour l'amitié
Où ta jeune âme ofTrait sa meilleure moitié.
Le délire des sens, dont toute chair rabâche,
T'inspira des accents que nul n'égalera.
Et ton œuvre de mère à jamais survivra !
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012