Poèmes

Lit défait / Genoux écorchés

par José Claer

José Claer

Le ciel a mal au Soleil comme une galle sur un genou
Forcer la croûte, manger l’espace
Et le placenta dans sa chute
Pour voir la peau vierge dessous
Rose
Comme le mamelon d’un trans enceint
Gabriel a dit qu’il n’allaitera plus jamais
Son « jamais » me fait mal à mes seins d’obèse

Je n’ai plus un background d’audace
Depuis que les architectes des éclipses
Ont roulé la galaxie comme un joint

J’ai des heures d’incendies
Et de musiques en lambeaux
Mises à sécher dans les coulisses
Côté Jésus-Christ

Je m’apocalypse pour une demi-heure
Le temps que tu me baises du point G jusqu’au point K.-O.
Ma paranoïa ne tient plus sur ses pentures de frontière
Personne ne monte la garde rue de l’asile
Ma folie improvise un tremblement de mer
C’était pourtant prévisible comme une promenade de saison en laisse

Tu as grande allure d’hiver
Quand la folie te démange
J’arrête un instant la masse élastique du Temps
Un souffle de iota
Un bégaiement de grande aiguille
Pour te regarder repasser par ton enfance
L’école buissonnière, le réveil à 7 heures
Le matin chiffonné tel un papier gras jeté à terre

La beauté roulée en boule quand on la laisse enfin tranquille
Se hérisse de maux porcs-épics quand on lui pogne le cul à 12 ans
Mes maux sous mon binder
Mes mots-œillères sous le bâillon

Il y a un accroc dans l’ordinaire
Les mots restent à la surface
Tandis que les maux enfoncent
Leurs mains d’enfants menottés
Dans le bocal aux croûtes de nuages
Je reste sur place, ai-je chaud ?
Le vent me chiquenaude l’accent aigu
Un rien m’empoussière
J’aurai 23 ans de corps cet été
Et l’âme indocile qui se frotte à l’imaginaire
De ceux qui claudiquent de la Vérité.
Comme les lucioles sont bavardes ce soir
La bouche en cul de poule
Et le cul qui lumignonne
Le ciel a été passé à l’entonnoir
Et n’a rien retenu

Mais ce qui est vrai
C’est ce qui dépasse de ce rien
De ce qu’on en fait
Avec la spontanéité d’un poète encore en enfance

La Terre a un œil au beurre noir
Mais la planète n’est qu’un jeu d’origami
Défaire le geste appris par cœur
Repasser du plat de la main
En faire une mappemonde ou une carte de course au trésor
Le X indiquant non la fin de l’arc-en-ciel
Mais le chromosome dont je voudrais bien me débarrasser pour venir au monde

Au tout début je n’étais rien
Mais maintenant même ma peur m’est précieuse
Je marchande mon sexe dans des sens interdits
Je m’injecte des doses létales d’eau de baptême
Je parle comme une luciole danse
En frôlant en rond le merveilleux

Vrai, ce qui dépasse… c’est le « e » muet
L’intuition quand se touchent, se tissent
S’accrochent, sans pare-choc-électrique
S’imbriquent, se frottent ma mémoire de femme
Et mon imaginaire d’homme

Le big et le bang remplacés par le yin et le yang
L’osmose au niveau du ventre, être son jumeau
Son propre double signé des Gémeaux

Et mon « je t’aime » a une fente par où me fuir
Un grain de sablier après l’autre
Et puis plus rien qu’un gant retourné inside out
Pour empoigner les constellations
Et faire de la Terre à nouveau l’épicentre de l’éternité
Où mon « je » n’est plus une autre
Mais le risque que je prends
D’être devant vous, ce soir
Au masculin pluriel.
Enceint, je suis le porteur de questions
Je porte le bouche-à-bouche des baisers volés
Mes jambes sont des racines sans domicile fixe
Avec lesquelles je danse en rond des anicroches de soleil

Et quand je te vois ça sent les yeux mi-clos
Ça goûte le mercure au-dessus de zéro
Ce sont tous les orages contenus dans une seule orange
C’est une prière sans piège et sans attente
Où nos corps se prolongent en berceuses aquatiques
Toujours le chant des sirènes
Les oiseaux qui résonnent comme des réveille-matins
Indiquant l’heure du passage aux nues

C’est l’amitié particulière avec sa particule nobiliaire
Quand on lâche lousse le raisonnable, le tangible
Et qu’on s’envoie en l’air dans des aires de balançoires
La folie au corps qui s’étend
Tache d’encre de test de Rorschach
La Beauté qui tient lieu de jeunesse
Cruisant les anges mâles et femelles
Leur léchant les ailes, sans doute l’habitude aphrodisiaque

Dans un paradis converti en serre
Où les plants, toujours en émergence, éclosent
Crocus, micro-pénis ou becs d’oiseaux-plantes ensevelis
Qui s’ouvrent sur des chansons grivoises

Ou dans un Enfer où tout est lumières stroboscopiques
Économie de murs, d’escaliers, d’espaces
Où le Temps est à nos trousses pour nous baiser l’infinitude.

Extrait de: 
Mordre jusqu'au sang dans le rouge à lèvres


Poème publié et mis à jour le: 24 August 2025

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