Poèmes

Les Vieilles de l'Océan

par Pablo Neruda

Sur la mer grave les vieilles vont
Avec des châles noués,
Avec de fragiles pieds blêmes.

Elles s’assoient seules sur la rive
Sans changer d’yeux ni de mains,
Sans changer de nuage ou de silence.

La mer obscène brise et déchire,
Dévale des monts de trompettes,
Secoue ses barbes de taureau.

Les douces dames assises
Comme dans un bateau transparent
Regardent les vagues terroristes.

Où vont-elles et où ont-elles été ?
Elles viennent de tous les coins,
Elles viennent de notre propre vie.

A présent elles ont l’océan,
Le vide froid et ardent,
La solitude pleine de flammes.

Elles viennent de tous les passés,
De maisons qui furent odorantes,
De crépuscules brûlés.

Elles regardent ou ne regardent pas la mer,
Avec la canne elles écrivent des signes,
Et la mer efface leur calligraphie.

Les vieilles se lèvent
Avec leurs fragiles pieds d’oiseau,
Tandis que les vagues emballées
Voyagent nues dans le vent.



Poème publié et mis à jour le: 03 July 2019

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