Poèmes

Les Beaux Jours

par Pierre Camo

Ô jeunesse, par qui nous fûmes immortels,
De quelles grâces vous pariez toutes les choses!
Notre pensée était plus fraîche que les roses,
Nos voluptés étaient plus douces que le miel!

De jeunes femmes élégantes et rieuses,
Assises près de nous sous les arbres du parc,
S’éprenaient à relire Arioste et Ronsard,
De sensualité perverse et curieuse.

Nos cerveaux aspiraient la capiteuse odeur
Des lourds magnolias aux corolles de neige,
Et des adolescents beaux comme Ganymède
Nous apportaient des fruits, des vins et des liqueurs.

La nature à nos sens éperdument avides
S’offrait ingénument dans toute sa beauté;
Pareils à des chevaux qui vont en liberté,
Nous venions respirer l’atmosphère splendide!

Aujourd’hui c’est l’automne et le vent de la mort
Qui règnent au jardin de nos belles années :
Les rires se sont tus, les fleurs se sont fanées,
Et le silence est dieu sous les grands arbres d’or .

Avec le soir paré de pourpres somptueuses,
La fureur de Diane ensanglante les bois;
Les lévriers puissants pressent de leurs abois
Les vieux cerfs habitants des retraites ombreuses.

Les jeunes femmes ont, pour ne plus revenir,
Délaissé les miroirs plus frais que les fontaines,
Emportant dans les plis de leurs robes de reines
La jeunesse immortelle et le divin plaisir.

Reviendrez-vous jamais, heures délicieuses,
Printemps suave et magnifiques voluptés?
Tes temples, ô Vénus, ne sont pas désertés;
Tu peux renaître aux bords des mers mélodieuses.

Allégresse des Dieux! souris pour les mortels,
Comme tu souriais aux jours heureux du monde;
Reviens du moins pour ceux que règle et que féconde
La Sagesse païenne aux dogmes éternels!

Extrait de: 
1906, Le Jardin de la Sagesse, (Floury)



Poème publié et mis à jour le: 13 August 2019

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