Poèmes

L'épervier

par Yves Bonnefoy

Yves Bonnefoy

Il y a nombre d'années,

AV.,

Nous avons vu le temps venir au-devant de nous

Qui regardions par la fenêtre ouverte

De la chambre au-dessus de la chapelle.

C'était un épervier

Qui regagnait son nid au creux du mur.

Il tenait dans son bec un serpent mort.

Quand il nous vit

Il cria de colère et d'angoisse pure

Mais sans lâcher sa proie et, immobile

Dans la lumière de l'aube,

Il forma avec elle le signe même

Du début, du milieu et de la fin.

Et il y avait là

Dans le pays d'été, très près du ciel,
Nombre de vases, serrés; et de chacun
S'élevait une flamme; et de chaque flamme
La couleur était autre, qui bruissait,
Vapeur ou rêve, ou monde, sous l'étoile.
On eût dit d'un affairement d'âmes, attendues À un appontement au bout d'une île.

Je croyais même entendre des mots, ou presque

(Presque, soit par défaut, soit par excès

De la puissance infirme du langage),

Passer, comme un frémissement de la chaleur

Dans l'air phosphorescent qui ne faisait qu'une

De toutes ces couleurs dont il me semblait

Que certaines, au loin, m'étaient inconnues.

Je les touchais, elles ne brûlaient pas.

J'y avançais la main, non, je ne prenais rien

De ces grappes d'un autre fruit que la lumière.



Poème publié et mis à jour le: 23 August 2022

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