Regards charmants de ma maîtresse ! Soupirs, transports, inexprimable ardeur ! Voluptueux silence, et langage enchanteur! Quoique présents à ma mémoire, Je ne puis vous
rendre, à mon gré. On ne peint point la volupté : Après tant de plaisir, ce serait trop de gloire ; Le bonheur d'un mortel doit être limité. Toi dont l'esprit
égale la beauté,
Tu concevras mon impuissance! Puisque les dieux, par leur sévérité, Nous privent d'une jouissance. Remplaçons-la par l'espérance De n'oublier jamais notre
félicité. Tous les plaisirs de ce monde volage Ne valent pas un sentiment du cœur ; L'illusion n'est jamais qu'un malheur; Le véritable amour est un plus doux partage.
S'il s'affaiblit, il devient de l'estime ; Le cœur à cent plaisirs est encor disposé.
D'un monde faux dont l'art est la maxime, Que reste-t-il, quand cet art ' est usé ?
On définit, et l'on regrette. La vanité déchire le bandeau; Avec dépit on pense à la rettaite ;
On y trouve un chagrin nouveau...
Nous jouirons d'un sort plus beau ;
Nous avons connu la tendresse.
Quand les beaux jours de la jeunesse S'éclipseront comme un beau jour d'été.
Nous aurons la délicatesse.
Les soins, l'amitié, la gaieté, Les souvenirs : nous puiserons sans cesse Dans les trésors de la variété, Pour ranimer le froid de la vieillesse :
Tous les temps ont leur volupté.
Ainsi la chaîne qui nous lie
N'auta point de cours limité : Avant-couteurs de l'immortalité, Nos plaisirs dureront autant que notre vie : L'amour en nous donnant la sensibilité,
Fit avec nous ce doux traité ;
Et la raison le ratifie.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012