Poèmes

Le Flot Berceur

par Pierre Reverdy

Pierre Reverdy

Les rafles d'or sur le ravin des vagues
Quand les feuillets de la mer se replient page par page

Au bruit du vent

Et des portées des voiles
On commence à s'habituer à tous ces airs
A la couleur de l'eau
Au mouvement des planches
Au goût amer
Le phare a glissé ses ciseaux dans les draps de soleil
Et les bateaux s'en vont sur l'amarre
Le cabestan défait tourne et enroule le port que ronge un peu la nuit
On chante
Le sable est balayé
Les lumières du fond de la colline ou bien du casino
La voix de l'âne
Au couchant

Le soleil s'arrête comme un nid en feu dans les peupliers
Et la voiture grince au détour du chemin qui finit sous la haie

Le marais sec déteint

Les plantes sont plus rares
Et le train souligne la montagne en la longeant
On suit de l'oeil
Le pays neuf
La terre propre
Les pierres mieux polies par l'ombre du matin
Puis les nuages sèchent

Près des rayons tordus d'autres astres se dressent

Montent de l'eau
Des rochers écumeux
Qui soufflent
Et tout change de place

La cabane est venue au levant
La pointe au cap levé derrière les ombrelles
On ne voit que le jour

Les maisons disparaissent
Les arbres s'évaporent
Derrière le remblai le claquement des mains
On entend tous les bruits mais les yeux sont éteints
Le feu grille l'atmosphère et la peau de la terre craque

Le cheval décharné traverse le tunnel
Et la montagne siffle la queue perdue au bord des cils humides de la mer
Sous les pattes de cet animal de terre mouvante l'eau circule luisante et tiède

Pendant que les plantes se dressent dans les replis des roches
Que les lames s'enflamment
Et que le vent qui sort des tuyaux des machines

des cheminées d'usines des soutes des navires
Plus noir plus lourd
Soulève la poussière qui va se figer dans les endroits humides

En pyramides
En cercles mosaïques
Ou en simulacres de chaînes montagneuses irréelles

En cendre de cigare
Puis la fraîcheur revient avec le soir qui cache l'incendie

Les voyageurs se promènent en noir

Sur la jetée
Sous le reflet luisant qui entoure leur tête
Sur les pierres brûlées qui retiennent la peau
Elles font partie de l'eau
Elles continuent le corps
Et les poissons battent le feu de leurs nageoires
A travers le sillage où bouillonne l'acier

Les étoiles prennent des formes de méduses de poissons aveugles de matières grasses
Et un homme

Un seul

Demeure au bout du port
Il tient sa tête détachée entre ses mains et rit plus fort

Tandis que la mer au sanglot de sa gorge se calme et se balance

O grand phare



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

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