Poèmes

Le Cheval Surchargé

par Henri Michaux

Henri Michaux

Il m'apparaît souvent quand je suis seul une heure ou deux, un cheval, au loin, et qui s'éloigne encore.
La route est déserte et il a dû passer à ma hauteur depuis pas mal de temps déjà, mais quoi que je fasse, si vivement que j'essaie, le devinant là, de m'enfoncer
dans le « noir », je n'arrive pas à le faire assez tôt, pour qu'il n'ait déjà pris quelque huit cents mètres d'avance, non, d'éloignement, masse à
présent réduite, et qui n'avance que pour se réduire davantage encore et presque disparaître.

Grand, très grand, avec des formes puissantes qui conviendraient plus au labour qu'au voyage d'étapes, haut et chargé comme un dromadaire, il s'éloigne, seul monument de vie
dans le désert qui l'entoure, mais ce monument donne confiance.
Il possède confiance.
Extrêmement haut sur ses pattes, on ne voit même bien qu'elles et dans un amas de choses indistinctes une sorte de bât et une toute petite tête qui semble rondelette et
assez mobile, à moins que ce ne soit une casserole, ou même un casque, car la tête qui le guide peut n'être pas visible à cette distance dans l'amas de bagages qui
l'encombrent, à ce que je

vois, exagérément.

Ce cheval, je le remarque, ne s'est jamais retourné sur moi, ni sur quoi que ce soit (il n'y a donc pas de taon qui le pique?) ni sur un bruit derrière lui.
Il semble qu'il n'y ait ni bruit ni vie.
Il avance accompagné de son seul encombrement.
Autrefois ce n'était pas le genre de cheval qui m'apparaissait, est-il besoin de le dire?



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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