Fameux
Ulysse, honneur de tous les
Grecs,
De notre bord approche-toi plus près,
Ne cingle point sans prêter les oreilles
A nos chansons, et tu oirras merveilles.
Nul étranger de passer a souci
Par cette mer sans aborder ici,
Et sans contraindre un petit son voyage,
Pour prendre port à notre beau rivage.
Puis tout joyeux les ondes va tranchant,
Ravi d'esprit, tant doux est notre chant,
Ayant appris de nous cent mille choses,
Que nous portons en l'estomac encloses.
Nous savons bien tout cela qui s'est fait.
Quand
Ilion par les
Grecs fut défait;
Nous n'ignorons une si longue guerre,
Ni tout cela qui se fait sur la terre.
Doncques retiens ton voyage entrepris,
Tu apprendras, tant sois-tu bien appris.
Ainsi disait le chant de la
Serene,
Pour arrêter
Ulysse sur l'arène,
Qui, attaché au mât, ne voulut pas
Se laisser prendre à si friands appâts,
Mais en fuyant la voix voluptueuse,
Hâta son cours sur l'onde tortueuse,
Sans par l'oreille humer cette poison
Qui des plus grands offense la raison.
Ainsi,
Jamin, pour sauver ta jeunesse,
Suis le conseil du fin soldat de
Grèce :
N'aborde point au rivage d'Amour,
Pour y vieillir sans espoir de retour.
L'Amour nVstrien qu'ardente frénésie,
Qui de fumée emplit la fantaisie
D'erreur, de vent et d'un songe importun,
Carie songer et l'Amour, ce n'est qu'un.
CHANSON
Douce
Maîtresse, touche,
Pour soulager mon mal,
Ma bouche de ta bouche
Plus rouge que coral;
Que mon col soit pressé
De ton bras enlacé.
Puis, face dessus face,
Regarde-moi les yeux,
Afin que toa trait passe
En mon cœur soucieux,
Cœur qui ne vit sinon
D'Amour et de ton nom.
Je l'ai vu fier et brave,
Avant que ta beauté
Pour être son esclave
Du sein me l'eût ôté;
Mais son mal lui plaît bien,
Pourvu qu'il meure tien.
Belle, par qui je donne
A mes yeux tant d'émoi.
Baise-moi, ma mignonne,
Cent fois rebaise-moi :
Et quoi ? faut-il en vain
Languir dessus ton sein?
Maîtresse, je n'ai garde
De vouloir t'éveiller.
Heureux quand je regarde
Tes beaux yeux sommeiller,
Heureux quand je les voi
Endormis dessus moi.
Veux-tu que je les baise
Afin de les ouvrir?
Hàl tu fais la mauvaise
Pour me faire mourir
Je meurs entre tes bras.
Et s'il ne t'en chaut * pas
I
Hàl ma chère ennemie.
Si tu veux m'apaiser,
Redonne-moi la vie
Par l'esprit d'un baiser.
Hà! j'en sens la douceur
Couler jusques au cœur.
J'aime la douce rage
D'amour continuel,
Quand d'un même courage
Le soin est mutuel.
Heureux sera le jour
Que je mourrai d'amour!
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012