Poèmes

La Vallée des Mis

par Jean Malrieu

Puisque nous sommes mortels,

Puisqu'en nous, déjà, cheminent

Les ombres et que le temps montant

Comme un gravier s'éboule,

Puisque s'élancent à la course

D'autres soleils,

En nous, pour publier l'instant accompli.

Avec les mots et les choses qui les portent

Dans la plus grande attention, la nudité

De l'âme quand elle s'éveille avant le jour.

Nous choisissons le témoignage.

Car nous sommes responsables.

Non de ce que nous avons fait.

Mais des promesses non tenues.

Ce n'est point de ne point avoir fait le mal.

Les mains quittes ne sont jamais pures.

Il faut les avoir noires de terre,

Saisies en leur travail, armées.

Il fallait toujours parfaire.

L'ordre du monde le demande.

C'est par les rêves tenus

Que se fait notre alliance.

Je n'ai pas assez aimé.

Sur le seuil avec beaucoup d'ombre dans le dos
Je n'en finis pas de regarder une rose.
C'est la dernière de l'été.
Ma mère aimait cette chanson.
Il est resté quelque chose d'elle dans l'automne
Comme «Soyez heureux» ou «Amitié d'un convive absent».

Je n'en finis pas de poser comme sur une photographie

Avec un chien à mes pieds.

On reconnaît le pied de vigne, le géranium.

L'entaille au cœur qui marque la saison

Comme autrefois lorsque nous grandissions

Ces dates et ces traits cernant nos tailles juvéniles.

Je n'en finis pas de poser pour retrouver un jour d'hiver
Ce qui fait vivre éternellement ce qui dure peu :
Le pas du voisin sur la route, le chant de l'électrophone
Qui part du cœur de l'été blessé

Et dans les marges de ce soir blanc s'approchent

Les phalènes, les champs lunaires indivis,

La paix descendue du haut des peupleraies,

Brusque présence

Qui fait taire pour un instant

Toutes les bêtes de la nuit



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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