Poèmes

La Nuit des Nuits

par Gabriel du Bois-Hus

Première partie

Le jour, ce beau fils du
Soleil,

Dont le visage non pareil

Donne le teint aux belles choses,
Prêt d'entrer en la mer, enlumine son bord

De ses dernières roses,
Et ses premiers rayons vont lui marquer le port.

Ce doux créateur des beautés,

Roi des glorieuses clartés,

Qui dessus nous sont répandues,
Nous donnant le bonsoir se cache dans les eaux,

Et les ombres tendues
Avertissent le ciel d'allumer ses flambeaux.

Les bois ne paraissent plus verts,

La
Nuit entrant dans l'univers

Couvre le sommet des montagnes,
Déjà l'air orphelin arrose de ses pleurs

La face des campagnes,
Et les larmes du soir tombent dessus les fleurs.

Le monde change de couleurs,

Une générale pâleur

Efface la beauté des plaines,
Et les oiseaux surpris sur le bord des marais

Courtisant les fontaines
Se vont mettre à couvert dans le sein des forêts.

Quelques brins d'écarlate et d'or

Paraissent attachés encor

À quelques pièces de nuage;
Des restes de rayons peignant tout à l'entour

Le fond du paysage
Font un troisième temps qui n'est ni nuit ni jour.

Les rougeurs qu'on voit dans les airs

Jeter ces languissants éclairs

Qui meurent dans les plis de l'onde,
Sont les hontes du jour fuyant le successeur

Qui le chasse du monde,
L'astre des belles nuits que gouverne sa sœur.

Le
Silence vêtu de noir

Retournant faire son devoir

Vole sur la mer et la terre,
Et l'Océan joyeux de sa tranquillité

Est un liquide verre
Où la face du
Ciel imprime sa beauté.

Le visage du firmament

Descendu de cet élément

Y fait voir sa figure peinte,
Les feux du
Ciel sans peur nagent dedans la mer,

Et les poissons sans crainte
Glissent parmi ces feux qui semblent les aimer.

Dans le fond de ce grand miroir
La nature se plaît à voir

L'onde et la flamme si voisines,
Et les astres tombés en ces pays nouveaux,

Salamandres marines,
Se baignent à plaisir dans le giron des eaux.

Un bel œil nageant dans ses pleurs

Fait soupirer de ses douleurs

La plus insensible poitrine; ô larmes de
Jésus, que ne ferez-vous pas ?

Chère enfance divine,
Qui pourra résister à vos chastes appas ?

Belle
Iris ', nourrice des fleurs,

Arc de rayons et de couleurs,

Dont les flèches sont les rosées,
Vos larmes céderont aux pleurs de cet
Amour

Quoiqu'elles soient puisées
En des sources de musc et des canaux de jour.

Rosée, agréable présent,

Dont l'Aurore va courtisant

Les nourrissons de la prairie,
De qui l'été reçoit ses aimables fraîcheurs,

Et la plaine fleurie
Les parfums embaumés de ses riches blancheurs;

Gouttes, filles des beaux matins,

Yeux des fleurs, astres argentins,

Nourriture des prés humides, Étoiles des jardins, douces sueurs des deux,

Cristaux, perles liquides,
Vous n'avez rien d'égal aux larmes de ces yeux.

Ruisseaux, délicieux serpents

Qui vous glissez à pas rampants

Parmi les herbages des plaines,
Grossissez-vous des pleurs qui mouillent ce beau corps,

Ces deux riches fontaines
De vos flots roturiers en feront des trésors.

Fleuves, de roseaux habillés,

Prenez vos vases écaillés

Pour recueillir ces douces pluies,
Ils n'ont jamais reçu de plus riche liqueur,

Venez remplir vos buies
Des chers écoulements du sang de ce beau cœur.



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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