Tête hantée.
devine où pendent, au-dessus des douves, à l'aplomb des murs du château qu'étouffe sa propre épaisseur, les belles grappes du raisin d'air, — et dominant le
vertige noir, nu, dans le vide, cueilles-en déjà l'or : l'âme!
L'abîme n'effraie pas l'abîme.
Oui, dès maintenant,
porté par tes à-pics eux-mêmes,
traverse ta peur.
Écarte-la suffisamment des lassitudes de ton corps pour
t'en aller, (de puits acides en souterrains, de galeries en salles désertes, par le froid des longs escaliers menant jusqu'aux terrasses
en ruine), capter le lait des jours de lunes et de légendes, des nuits sacrées qui prophétisent la foudre sur les tours.
Attire les forces de l'autre enfance
quand la grêle fend les fenêtres, brise les vitres anciennes
et que le vent arrache les ardoises.
Le néant n'est pas une menace.
Affronte la neige.
Aiguise le feu.
Puis trouve l'eau qui perce les pierres (ouvrant dédales et sarcophages) et bois-la pure.
Tu sauras alors que la mort t'habite.
Aussitôt, tais-toi.
Ne t'inquiète plus de ce qu'elle cache : de ce qui. peut-être, au-delà, fracassant les forêts fossiles, n'a ni sens ni nom, n'est ni rien ni tout...
Ne la juge plus officiant à la mesure de tes saisons.
Ne crois plus t'y perdre, y devenir qui selon quoi...
Honore seulement son silence.
Aime-la.
Sonde assez sa paix
pour qu'au moment de quel passage elle te soit propice
— ou semblable au dernier désir, à l'ultime secret de tes os.
Ah ! la ténèbre ici lovée,
l'immobile ténèbre blanche
s'épiant en toi, t'épiant en elle
sans impatience ni colère derrière l'horreur de ses signes, ses terribles figures de sang, les défis dont la masquent tes fièvres
(et ce sont comme sortilèges, maléfices, profanations issus du tréfonds de nos fables),
— fasse le dieu
qu'elle te demeure inconnaissable et fascinante
non pour uicr
mais pour vivifier la fête de vivre
et garder vivant le mystère !
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012