Je suis toujours hors sujet, comme un réflexe de liberté. Tout le monde pense que je marche dans les clous, mais non, juste à côté, une façon de dire ma différence, de mettre un pied devant l’autre sans jamais courber l’échine. Je suis dans cette saison qui n’existe que pour moi, où l’espoir ressemble à un soleil qui ne se coucherait jamais, toujours à deux doigts de comprendre la loi fondamentale de l’univers. Jamais je ne m’en approcherai de plus près. J’aime à garder cette part de mystère qui fait que je reste une énigme, même pour moi. Cet entre deux, je l’appelle Poémie.
Je suis un oiseau migrateur, toujours à chercher ailleurs un réel plus prometteur où construire mon nid. Mon corps, lui, ne migre pas. Entre le frigo à remplir et le lit à refaire tous les matins, mon corps se coltine le quotidien comme il peut. L’âge lui a donné quelques libertés et quelques faiblesses supplémentaires.
Que me reste-t-il hors cette odeur d’humanité qui persiste ? Parfois je croise une graine semée il y a longtemps et que je croyais stérile ou égarée. C’est à peine une mauvaise herbe qui pousse comme elle peut, sur une friche perdue d’une civilisation en déroute, mais elle est bien vivante et s’agrippe. On parle un peu. Elle aussi a trouvé sa secrète Poémie, parce que la Poémie existe hors des mots, dans la tête de chacun. Et c’est comme un jardin secret qui ouvrirait ses portes aux initiés et aux amis et qui introduirait son petit grain de fantaisie et de bonheur, dans les lieux les plus improbables.
Je suis un oiseau migrateur. D’un coup d’aile, dessiner les contours d’un paysage … et l’apprivoiser. Etre hors sujet, c’est être au cœur de sa cible.
2015-02