Poèmes

Fatalité

par René-François Sully Prudhomme

René-François Sully Prudhomme

Sonnet.

Que n'ai-je appris l'amour sous un regard moins beau !
Je n'aurais pas traîné si longtemps sur la terre
Cet âpre souvenir, le seul que rien n'altère,
Et qui, le plus lointain, me soit toujours nouveau.

Hélas ! je ne peux pas souffler comme un flambeau
L'œil bleu, pâle qui luit dans mon cœur solitaire ;
On ne se remplit pas d'une nuit volontaire,
Pas même en se voilant des ombres du tombeau.

Que n'ai-je, comme eux tous, aimé d'abord la grâce,
Non la grande beauté qui fait mal, qui dépasse
L'horizon du désir et la force du cœur !

J'eusse aimé librement selon ma fantaisie ;
Mais l'amante que j'ai, je ne l'ai pas choisie,
Je ne pourrais pas plus la changer que ma sœur.

Extrait de: 
Les épreuves (1866)



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

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