Poèmes

Évolution

par René-François Sully Prudhomme

René-François Sully Prudhomme

Quand je me hasarde à descendre
Jusques aux bas-fonds du désir,
À l'heure où l'on pèse la cendre
Que laisse après soi le plaisir ;

Ou quand je sonde l'origine
De ces hymens vils et fortuits
Qu'en songe la chair imagine,
Ressouvenir d'antiques nuits...

Je crois que dans une autre sphère,
Où je me sentais déjà mal,
J'aimais, ne pouvant pas mieux faire,
Avec des instincts d'animal.

Là je rêvais déjà sans doute
L'amante qu'amant orgueilleux
À la brute qui me dégoûte
Je préfère en espérant mieux,

Et je suis traité d'infidèle
Par la plus belle d'ici-bas,
Parce que j'aime son modèle
Où mes lèvres n'atteignent pas.

Ainsi, de la poussière immonde
À l'éther qu'on n'étreint jamais,
Mon idéal de monde en monde
Me devance au monde où je vais.

Extrait de: 
Les vaines tendresses (1875)



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

Lettre d'Informations

Abonnez-vous à notre lettre d'information mensuelle pour être tenu au courant de l'actualité de Poemes.co chaque début de mois.

Nous Suivre sur

Retour au Top