Poèmes

Épître a Ses Amis

par François Villon

AmitiéFrançois Villon

Aiez pitié, aiez pitié de moy,
A tout le moins, si vous plaist, mes amis !
En fosse gis, non pas soubz houx ne may,
En cest exil ouquel je suis transmis
Par
Fortune, comme
Dieu l'a permis.
Filles amans jeunes gens et nouveaulx,
Danceurs, saulteurs, faisans les piez de veaux,
Vifz comme dars, agus comme aguillon,
Gousiers tintans cler comme cascaveaux,
Le lesserez la, le povre
Villon ?

Chantres chantans a plaisance, sans loy,
Galans, rians, plaisans en fais et dis,
Courens alans, francs de faulx or, d'aloy,
Gens d'esperit, ung petit estourdis,
Trop demourez, car il meurt entandis.
Faiseurs de laiz, de motetz et rondeaux,
Quant mort sera, vous lui ferez chaudeaux !
Ou gist, il n'entre escler ne tourbillon :
De murs espoix on lui a fait bandeaux.
Le lesserez la, le povre
Villon ?

Venez le veoir en ce piteux arroy,
Nobles hommes, francs de quart et de dix,
Qui ne tenez d'empereur ne de roy,
Mais seulement de
Dieu de
Paradis :
Jeûner lui fault dimenches et merdis,
Dont les dens a plus longues que ratteaux ;

Après pain sec, non pas après gasteaux,
En ses boyaulx verse eaue a gros bouillon ;
Bas en terre, table n'a ne tresteaulx.
Le lesserez la, le povre
Villon ?

Princes nommez, anciens, jouvenceaux,
Impetrez moy grâces et royaulx seaux,
Et me montez en quelque corbillon.
Ainsi le font, l'un a l'autre, pourceaux,
Car, ou l'un brait, ilz fuyent a monceaux.
Le lesserez la, le povre
Villon ?



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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