Que faites vous, mes compagnons,
Des cheres
Muses chers mignons ?
Av'ous encore en notre absence
De votre
Magny souvenance ?
Magny votre compagnon dous,
Qui ha souvenance de vous
Plus qu'assez, s'une
Damoiselle,
Sa douce maitresse nouvelle,
Qui l'estreint d'une estroite
Foy
Le laisse souvenir de soy.
Mais le
Povret qu'Amour tourmente
D'une chaleur trop vehemente,
En oubli le
Povret ha mis
Soymesme et ses meilleurs amis :
Et le
Povret à rien ne pense,
Et si n'a de rien souvenance,
Mais seulement il lui souvient
De la maitresse qui le tient,
Et rien sinon d'elle il ne pense,
N'ayant que d'elle souvenance.
Et, tout brulé du feu d'amours
Passe ainsi les nuits et les jours,
Sous le joug d'une
Damoiselle
Sa douce maitresse nouvelle,
Qui le fait ore esclave sien,
Ataché d'un nouveau lien :
Qui le coeur de ce miserable
Brule d'un feu non secourable,
Si le secours soulacieus
Ne lui vient de ses mesmes yeus,
Qui premiers sa flamme alumerent,
Qui premiers son coeur enflammerent,
Et par qui peut estre adouci
L'amoureus feu de son souci.
Mais ny le vin ny la viande,
Tant soit elle douce et friande,
Ne lui peuvent plus agreer.
Rien ne pourroit le recreer,
Non pas les gentilesses belles
De ces gentiles
Damoiselles,
De qui la demeure
Ion met
Sur l'Heliconien sommet,
Qu'il avoit tousjours honorees,
Qu'il avoit tousjours adorees
Des son jeune aage nouvelet,
Encores enfant tendrelet.
Adieu donq
Nynfes, adieu belles,
Adieu gentiles
Damoiselles,
Adieu le
Choeur
Pegasien,
Adieu l'honneur
Parnasien
Venus la mignarde
Deesse,
De
Paphe la belle
Princesse,
Et son petit fils
Cupidon,
Me maitrisent de leur brandon.
Vos chansons n'ont point de puissance
De me donner quelque allegeance
Aus tourmens qui tiennent mon cœur
Genné d'une douce langueur
Je n'ay que faire de vous, belles :
Adieu, gentiles
Damoiselles :
Car ny pour voir des monceaus d'or
Assemblez dedens un tresor,
Ny pour voir flofloter le
Rone,
Ny pour voir escouler la
Sone,
Ny le gargouillant ruisselet,
Qui coulant d'un bruit doucelet,
A dormir, d'une douce envie,
Sur la fresche rive convie :
Ny par les ombreus arbrisseaus
Le dous ramage des oiseaus
Ny violons, ny espinettes,
Ny les gaillardes chansonnettes,
Ny au chant des gaies chansons
Voir les garces et les garçons
Fraper en rond, sans qu'aucun erre,
D'un branle mesuré, la terre.
Ny tout celà qu'a de joyeus
Le renouveau delicieus ;
Ny de mon cher
Givés (qui m'ayme
Comme ses yeus) le confort mesme.
Mon cher
Givés, qui comme moy
Languit en amoureus émoy,
Ne peuvent flater la langueur
Qui tient genné mon povre coeur :
Bien que la mignarde maitresse,
Pour qui je languis en détresse,
Contre mon amoureus tourment
Ne s'endurcisse fierement :
Et bien qu'ingrate ne soit celle,
Celle gentile damoiselle
Qui fait d'un regard bien humain,
Ardre cent feus dedens mon sein.
Mais que sert toute la caresse
Que je reçoy de ma maitresse ?
Et que me vaut passer les jours
En telle esperance d'amours,
Si les nuiz de mile ennuiz pleines
Rendent mes esperances veines ?
Et les jours encor plein d'ennuiz,
Qu'absent de la belle je suiz,
Quand je meurs, absent de la belle,
Ou quand je meurs present pres d'elle
N'osant montrer (o dur tourment!)
Comme je l'ayme ardantement ?
Celui vraiment est miserable
Qu'amour, voire estant favorable,
Rend de sa flame langoureus.
Chetif quiconque est amoureus,
Par qui si cher est estimee
Une si legere fumee
D'un plaisir suivi de si pres
De tant d'ennuiz qui sont apres.
Si ay je aussi cher estimee
Une si legere fumee.
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012