Poèmes

Des Enfants sans Sougi

par Clément Marot

Qui sont ceux-là qui ont si grand envie
Dedans leur cœur, et triste marrisson,
Dont, cependant que nous sommes en vie,
De maître
Ennui n'écoutons la leçon ?

Ils ont grand tort, vu qu'en bonne façon
Nous consommons notre florissant âge.
Sauter, danser, chanter à l'avantage,
Faux envieux, est-ce chose qui blesse?
Nenni (pour vrai) mais toute gentillesse,

Et gai vouloir, qui nous tient en ses lacs.
Ne blâmez point doneques notre jeunesse,
Car noble cœur ne cherche que soûlas.

Nous sommes drus, chagrin ne nous suit mie.
De froid souci ne sentons le frisson.

Mais de quoi sert une tête endormie ?

Autant qu'un bœuf dormant près du buisson.
Languards piquant plus fort qu'un hérisson,
Et plus reclus qu'un vieil corbeau en cage.
Jamais d'autrui ne tiennent bon langage,

Toujours s'en vont songeant quelque finesse :

Mais entre nous, nous vivons sans tristesse,
Sans mal penser, plus aises que prélats.
D'en dire mal c'est doneques grand simplesse,
Car noble cœur ne cherche que soûlas.

Bon cœur, bon corps, bonne physionomie,

Boire matin, fuir noise et tanson ;

Dessus le soir, pour l'amour de s'amie

Devant son huis la petite chanson ;

Trancher du brave, et du mauvais garçon,
Aller de nuit, sans faire aucun outrage :

Se retirer, voilà le tripotage;

Le lendemain recommencer la presse.

Conclusion, nous demandons liesse :

De la tenir jamais ne fûmes las.
Et maintenons que cela est noblesse :

Car noble cœur ne cherche que soûlas.



Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017

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