De la plate-forme du tramway, je regarde fuir les arbres noirs. Le ciel est d'un
gris profond. On songe qu'il sera toujours ainsi. Le^s arbres sont raides,
grêles, s'épandent en ramures infiniment maigres et tristes. Tout au fond de
l'avenue, les deux derniers arbres, les plus lointains que je puisse apercevoir,
semblent s'être vaporisés, fondus merveilleusement dans l'air. On dirait des
spectres d'arbres, des formes d'arbres faites seulement de brouillard. Ces deux-
là s'effacent, se brouillent, se perdent dans la grande grisaille de là-bas.
D'autres m'apparaissent ainsi. Et j'ai le rêve -un bref instant -que le ciel
engloutit un à un ces arbres fantômes.
2 Fevrier 1890
Poème publié et mis à jour le: 14 February 2023